C'est un argument spécieux, Tenosuke, je n'y répondrai pas, je te prie de m'en excuser. Par contre, il est clair que pour moi One Punch Man souffre de sa répétitivité et de son manque flagrant d'écriture. Pour une raison très simple : il n'y a pas d'enjeu narratif et il n'y a pas d'investissement du lecteur dans le manga. C'est une lecture qui ne transforme pas, qui ne montre, ne dit, ne réalise rien. (À mon avis) Le plus intéressant, cependant, est que parfois, le manga arrive à fonctionner correctement. J'en tiens pour exemple le passage où Licenceless Rider paie un verre à Saitama. Ce moment est extrêmement bien construit narrativement parlant et le dessin passe derrière pour ajouter quelque chose à une situation déjà poignante. Licenceless Rider a été présenté auparavant, une ou deux fois, et retire son moment de gloire de son affrontement contre le roi des mers, qui correspond, dans son impuissance, à l'affrontement de Saitama encore "normal" avec son premier monstre, et la déculotté qu'il a subi. Ce rappel est renforcé par l'intervention de Saitama, très codifiée, qui salue d'abord le héros tombé avant de défaire le monstre. Ensuite, le verre est payé au moment où Saitama revient de son adoubement dans la classe supérieure, que l'autre à peu de chances d'atteindre. La dualité entre le héros achevé et le héros qui ne le sera jamais est fermement établie, tout comme est affirmée avec force leur ressemblance presque parfaite sur le plan des principes à défendre. De sorte que l'union des deux personnages, symboliquement, est déjà faite, construite et menée en termes de narration. Dès lors, la scène de la guinguette relève d'un travail narratif préparatoire important et le dessin, grâce au talent de Murata, créé une scène poignante, intéressante, finalement : bien, bonne et belle.
Or, cette scène est une exception dans le manga, où tout le reste correspond, justement, à un enchaînement de combat qui, certes, joue - et encore, même cela est discutable, car parodier les codes sous-entend une visée quelconque, au-delà de l'amusement pur, qui ne transparaît pas vraiment dans One Punch Man - avec les codes mais sans plus. À partir de l'instant où le personnage principal est donné gagnant à l'avance, les enjeux narratifs ne peuvent plus être les mêmes. D'où un déplacement constant sur les quêtes pour les jeux vidéos, les recherches d'algues, l'appartement, qui apporte une touche d'humour au manga, mais ces déplacements sont tellement épisodiques qu'ils tiennent plus du clin d'oeil que de la construction permanente.
Prenons le long combat contre les extraterrestres : il n'y a pas eu de changement entre le début et la fin, pas d'évolution narrative. Nous sommes partis du point A pour nous y retrouver, exactement, quelque temps plus tard. Malgré les trois égratignures sur Saitama - au demeurant peu en accord avec sa définition - et la ville rasée.
Le manque d'enjeu narratif ne permet pas au manga de raconter quelque chose. C'est évidemment mon défaut, de vouloir qu'on me raconte quelque chose, et là je suis déçu. One Punch Man, malgré toute sa beauté plastique, ne raconte rien. C'est une coquille vide qui n'offre qu'un divertissement limité, vite oublié. Ce que je trouve terriblement dommage, en accord avec Saverne, parce que ce dessin mériterait une vraie histoire et des nombreuses histoires mériteraient ce dessin. Ne serait-ce que pour se sublimer l'une et l'autre.
Voilà. Peace.
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