Merci pour le rappel des évolutions/glissement successifs des champs d'application du modèle théorique de Girard. Perso, je recommande la lecture de son ouvrage sur Shakespeare.
Tu noteras que j'ai repris Girard en l'adossant au modèle du "stress". Ce que, à ma connaissance, ne fais pas Girard. Mais c'est le moyen que j'ai trouvé de lui donner un ancrage et une application concrète.
Citation:
Le monstrueux c'est vraiment le différent.
Oui.
Perso, je m'intéressai au lien entre le monstrueux et le modèle de Girard. Mais on peut effectivement aussi tenir cette relation à l'écart et réfléchir sur l'essence "en soi" du monstrueux.
J'avançais aussi qu'a priori, que le monstre suscite chez moi une réaction répulsive spontanément, parce que je le perçois comme "Autre" et que je ressens cet autre comme dérangeant. En ce sens, cette différence suscite une réponse involontaire et automatique chez moi (modèle du stress => réponse réflexe face à l'imprévu ou l'inconnu... )
Citation:
Je pense à La métamorphose de Kafka par exemple.
Que j'ai apprécié.
Tu noteras que le personnage s'enferme et qu'il reste seul. Il est/devient lui même le monstre. De par sa transformation physique, il est contraint de vivre avec lui.
Perso, j'avais plutôt pensé au film Freak, ou le monstre n'est pas celui que l'on croit.

La difformité physique n'est pas la difformité morale.
Citation:
Donc "en soi", il y a une forme de déshumanisation.
Oui,
Le chateau (qu'on devrait plutôt appeler l'administration ou l'organisation) du même Kafka illustre bien ce phénomène subtil de déshumanisation, là ou la Rencontre avec l'Autre n'a pas lieu. L'indifférence face à la différence (et à sa demande) est le point de déclenchement discret mais bien réel de ce phénomène.
Citation:
le monstre n'est pas nécessairement un vecteur de 'mal' ou de destruction, de conflits
Oui, c'est la violence émissaire, en soi, qui l'est.
En revanche, la présence/l'existence du "monstrueux" prédispose au déclenchement de cette violence; dès lors qu'il incarne l'Autre et que cette altérité suscite une réponse impulsive/involontaire forte chez moi.
La violence émissaire est l'incendie, l'altérité/la différence est l'étincelle qui peut involontairement susciter l'incendie...
Citation:
Il y a une déshumanisation, mais pas spécifiquement de danger.
Exact
Le danger, c'est plutôt le risque de dérapage et donc d'agression associé à ma réponse spontanée face à l'altérité de l'Autre. Face à l'Autre, le risque est que je sois (le) dupe par ma réponse involontaire. Bref, que se déclenche le conflit mimétique.
En d'autres termes, c'est le risque de la réponse mammifère spontanée, si elle n'est pas apprivoisée/socialement régulée. Une hypothèse qu'évoque Girard lorsqu'il explore la perte du mécanisme de d'auto-régulation de la violence chez certaines espèces mammifères, dont homo sapiens.
Ici, tu noteras que j'insiste sur le rapport entre la différence, la dynamique "mimétique" et la polarité "+" (attraction mimétique) ou "-" (répulsion mimétique) de la pulsion (la libido selon Freud, le désir mimétique selon Girard). C'est pas l'aspect le plus simple à saisir chez Girard.
Citation:
Le monstre est pointé du doigt aussi et surtout parce qu'il y a une différence collective, qui n'a pas forcément à voir avec un conflit mimétique.
Oui
Tu regarderas les contes, ou la question de l'altérité est adressée. Effectivement, l'histoire explore plutôt une ou plusieurs réponses possible face à l'altérité. Et souvent invite (à apprendre) à apprivoiser l'altérité (processus d'humanisation), plutôt qu'à la rejeter. (Voir par exemple la rencontre du renard avec le petit prince dans le conte de St Exupéry, [quote=http://actumonc.free.fr/livres/princerenard.htm]chapitre 21[/quote]).
En fait, Girard ne fait que pointer le risque d'enclencher le mécanisme victimaire que suscite la rencontre avec l'altérité. Il souligne également que la violence projective prend une différence pour support (qu'importe la nature ou la valeur objective de celle-ci !!!).
En revanche, le rapprochement du modèle du stress et modèle de la pulsion mimétique implique que l'accès au territoire, aux ressources ou encore l'enjeu de la reproduction suffit à susciter une réponse involontaire et mimétique (le plus souvent sur le mode de l'agressivité).