Souichiro Nagi a écrit:
Donc, en bref:
Oui je pense que le monde de naruto suit la dynamique de la montée des violences, basées sur le désir mimétique (la paix sociale). Et oui, le sacrifice de naruto serait une solution élégante au chaos engendré par madara. Mais je pense également que le sacrifice n'est ni plus ni moins qu'une manière de "défocaliser" le désir mimétique. Cette "défocalisation" pourrait tout aussi être par le sacrifice global du chakra, ou la dérivation de l'objet sacrificiel vers un nouvel objet sacrificiel, qui remplace celui de naruto (obito, gai, neji, itachi, et les autres ninjas seraient de bons sujets). Cela dit, cette défocalisation impliquerait que naruto perde son statut de messie (par exemple, en montrant sasuke comme son égal).
Je suis globalement d'accord puisque tu enfonces une porte déjà ouverte par l'élaboration de la théorie mimétique de Girard (à savoir que le désir mimétique, une fois qu'il a généré les violences mimétiques et le tous contre un, conduit à une focalisation sur un sujet innocent qui pourra être incarné par une personne ou un peuple ou éventuellement quelque chose). Et cette "focalisation" (plutôt que défocalisation) est entrevue par Girard (et par d'autres aussi hein, genre Levi-Strauss, ou encore mieux, Mircea Eliade (check google

)) par le rite.
Celui-ci, définit par la ritualisation d'un acte ou la "répétition du même", sert à remplacer symboliquement le sacrifice initiale et à rappeler la rupture dans cette montée des violences et l'entrée dans une nouvelle ère.
Alors comme tu le dis, rien n'empêche Kishimoto de conserver la vie de Naruto et de mettre en place à un simulacre de sacrifice (le chakra est une bonne idée). Mais d'un point de vue purement anthropologique et sociologique, cela ne pourrait pas, je pense, ramener une stabilité durable, puisqu'il faudrait un sacrifice concret - qui servirait de point de départ à un rite - et proportionnellement important au désordre pour rétablir l'ordre. Mais comme on est dans un manga, cela n'a pas trop d'importance...
Souichiro Nagi a écrit:
C'est pour ça que je rejoins l'idée de DoN-MoSs. Je pense que même si naruto est largment basé sur le discours positif de naruto, il y a, en filigrane de nombreuses dualités d'antagonismes (naruto/tobi, naruto/sasuke) et des similarités (naruto/hashimara, sasuke/madara,...). Certes, naruto est la bonté incarnée, celui qui pardonne tout. Et sasuke est la cruauté, celui qui avance seul, sans se préoccuper des autres. Je pense que l'auteur ne valorise pas l'une ou l'autre des démarches. Je pense qu'il cherche à les intégrer toutes les deux dans un équilibre, et dans une coordination/coopération indispensable pour vaincre la véritable menace (le plan de madara). Je préfère cette conception duelle de la victoire, et le fait que l'union fait la force. Bien sûr, naruto, par son ouverture d'esprit, est l'architecte et le moteur de cette coopération, comme l'était hashimara avec madara. Mais c'est bien l'union de toutes les forces qui amène la solution.
Je ne sais pas si on peut dire que Kishimoto à mis la bonté et le pardon de Naruto sur le même pied d'égalité que les actes égocentrés de Sasuke. J'ai plutôt l'impression que la mise en scène place Sasuke dans un choix de vie délibérément inscrit dans quelque chose de contreproductif à long terme. Ce n'est pas très équilibré comme démarche, non seulement dans les faits (à chaque fois que Sasuke veut entreprendre quelque chose, ça rate), mais également dans la mise en scène (dès qu'il décrit son ambition, un personnage intervient pour montrer l'inutilité de son nindo - Kakashi, Danzou, Tobi, Madara, Itachi).
Après, pour nourrir un peu cette idée de forte proximité au système judéo-chrétien, il y aurait beaucoup à dire sur du schéma narratif de la prophétie fortement inspiré des schémas narratifs qu'on retrouve dans les livres de l'Ancien Testament. :
- Ici, on a bien la mise en place d'une société basée sur un système particulier : le monde des ninjas dont le créateur mythique est Rikudo - le système politique, économique, culturel et moral, qui en découle est entièrement fondé sur cela.
- Puis l'intervention d'un prophète - Jiraiya - qui annonce l'intervention d'un personnage extraordinaire qui doit mettre fin au système présent. Entre parenthèse, on pourrait jouer sur le mot "fin" : est-ce qu'on aura une mise à mort du système avec création d'un nouveau, ou une transformation de l'ancien (un 'accomplissement') ?
- Ensuite, la prophétie, en elle même, est interprétée de différentes façons. D'ailleurs, comme souvent avec les prophètes dans l'Ancien Testament, soit ils meurent, soit ils deviennent un prophète d'Etat à la solde du pouvoir en place. Dans le cas présent, il meurt, tué par celui qui aurait pu être le sauveur.
- Enfin, l'arrivée du Messie - paradoxalement pas du tout attendu par le peuple - qui annonce un nouveau message. Ce message est d'ailleurs transmis de deux façons différentes et importantes (et que l'on retrouve avec Jésus d'ailleurs) : le nouveau
logos est transmis par la parole mais aussi par les actes. Il ne manque plus que les miracles...
Cependant, je vois une ombre importante à ce tableau, c'est la volonté régulièrement annoncée, rappelée, par Naruto (même dans les derniers chapitres) de devenir Hokage... c'est à dire un chef-héros guerrier clairement inscrit dans le système des ninjas, donc dans le monde qu'il serait sensé 'abolir' ou 'accomplir'.
A voir donc, si le syncrétisme
brillamment évoqué par Celimbrimbor confirmera le grossier et habituel mélange des cultures, des mythes et des croyances, qu'on a l'habitude de voir dans la société nippone.
Aurons-nous donc :
- une œuvre classique révélatrice des attentes des masses nippones (et ce dans un contexte de mondialisation)
- ou une œuvre plus isolée et engagée (qui pourrait être l'évolution des croyances d'un auteur (et peut être d'une partie de la population nippone ?)) ?
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Sinon, concernant ce chapitre... je trouve le flashback trop long et inutile.