Bon, j'ai fini de regarder la première saison et :
Je deviens vieux. Il m'a fallu pas loin de cinq épisodes avant de réaliser que la série me rappelait Super 8, ce qui n'est pas une bonne chose. Effectivement, l'impression s'est confirmée : un croisement improbable entre E. T., The Goonies et The X-files. De belles influences, respectées à la lettre et l'esprit, dans une série qui reprend efficacement les codes, tics et habitudes de ses comparses d'il y a trente ans. Mais voilà : trente ans ont passé et le bât blesse précisément ici, nous aussi avons passé avec. De mon point de vue, la série se retrouve être une parodie maigre de ses ancêtres, sans jamais chercher à aller plus loin que ça. Sans être une copie, une caricature ou quoi, simplement une redite, touchante par moments, intéressante par d'autres, de déjà vu, déjà lu, déjà su, déjà fait. De sorte qu'assez vite, l'histoire devient prévisible et les personnages sombres dans des archétypes peu pertinents, qui ne surprennent jamais, mais ne donnent pas non plus ce sentiment de satisfaction quand ils accomplissent un rôle prédit par le spectateur. Quelle joie y aurait-il à deviner quelque chose qui ne se cache même pas. Jusqu'à l'épisode trois, quatre en poussant un peu, la série me plaisait pas mal, elle partait bien en mêlant habilement les intrigues les unes aux autres (elle ne fait, finalement, que nous raconter trois fois la même histoire avec trois tranches d'âge différentes) et puis voilà. La suite déroula. C'est dommage, de mon point de vue toujours. Non pas qu'il faudrait de l'originalité à tout prix (sinon, pourquoi les spectateurs plébisciteraient-ils Game of Thrones après des cours d'histoire sur la guerre de cent ans / des deux roses et les pièces historiques du Barde ?) mais simplement se sortir les doigts du cul pour proposer un réinvestissement potable d'une culture qui est, à mon grand regret, désormais la nôtre ? À quel moment est-il légitime, pour les créateurs, les financeurs et le public, de se satisfaire simplement d'une redite même pas masquée, même pas changée, même pas évoluée ? Je lie ceci au désir ferme d'infantilisation qui nous parcourt en ce moment et qui m'inquiète assez fréquemment et m'empêche parfois de dormir. Sommes-nous devenus si faible devant la réalité des choses (Nietzsche, ta gueule) que nous ayons besoin de retourner à assurance primaire de non évolution ? Ce que j'entends par là, précisément en ce qui concerne Stranger Things, c'est que la série ne fait rien résonner de neuf ou de pertinent, ne secoue aucun horizon d'attente. Or c'est là qu'une œuvre se juge, dans sa résonance au monde. De là, je me demande aussi s'il faut se satisfaire de ce qu'on appellera, par réalisme, un divertissement honnête. Oui, j'ai perdu grosso modo six heures de mon existence sur quelque chose qui m'a fait oublier, par rares moments, les tourments du monde, et après ? Elle ne m'a pas changé, ne m'a pas touché, ne m'a pas agité. Elle a aspiré mon attention, en bon divertissement, entre deux repas et puis voilà tout. En suis-je réduit à aspirer et saluer le pain et les jeux ?
Anyway. I've seen stranger things.
_________________ "All the world's a stage. And all the men and women merely players."
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