Je suggère de recentrer le débat à Berserk sinon on va pas s'en sortir.
(ou alors d'ouvrir un post spécifique sur le sujet...

)
Pour revenir à Berserk, il est possible d'enrichir la question du désir en s'intéressant aux sentiments des personnages... En effet, dans ce manga, les sentiments et plus précisément la tendresse, est probablement ce qui permet d'adoucir, d'apaiser, de contenir et au final d'humaniser la violence pulsionnelle dévorante du désir (cf. l'eclipse).
Or les scènes ou les sentiments sont présents sont aussi plus nombreuses... Et en particulier, c'est là qu'il y a de mon point de vue, une différence essentielle entre Griffith et Guts. Guts à fait le choix d'aller vers plus d'humanité.
Donc oui, il y a déjà tous les moments de fraternité, surtout entre hommes, mais aussi avec Caska. A noter que c'est plutôt entre hommes (la bande des hawks) ou entre femmes (les prostituées à saint Albion). Et que c'est aussi ce qui aide les personnages à rester debout...
Et puis la séquence Guts/Caska trouve quand même à dépasser le traumatisme de Guts... Ce qui est, si on y réfléchit, un moment intense d'humanité. Idem, plus récemment, et de façon plus discrète/indirect, les moments où Guts/Caska/l'enfant donnent à voir une image de la famille. Ainsi que, d'autres moments, comme lorsqu'ils se retrouvent tous à l'auberge du port... (un peu - peut être - sur le modèle de la famille recomposée...)
Idem pour la reine, froide et dure, qui tout à coup réalise ses sentiments pour le frère du Roi... même si elle le fait dans les conditions douloureuses que nous savons. Idem avec la mère adoptive de Guts... Et même chez certains apôtres, face à la mort, il y a une part d'humanité qui trouve encore à s'exprimer...
Bref, l'humanité trouve à s'exprimer, envers et malgré les forces du destin... Même chez Griffith, déjà condamné, et avant de chuter, il trouve à goûter - en rêve - pour quelques instants à une vie douce et paisible avec Caska.
En fait, la violence est tellement poussé à l'extreme, l'horreur est tellement omniprésente, que les rares moments de tendresse/ de fraternité apparaissent littéralement entouré d'un halo (cf. les feux de camps vu par Guts et Griffith sur la colline).
Ils sont comme des roses (trop rares) sur un immense tas de fumier (charnier ?). Il y a aussi cette fleur qui pousse au fond du cachot... (cf. épisode récent sur l'enfance)
Au final, le Berserk des débuts, c'est un peu comme un album de heavy metal, avec tout à coup, presque par inadvertance, un moment de silence, puis un accord doux et magnifique...
Je terminerai en soulignant que, quand Miura, se consacre des heures et des heures à peindre un dessin magnifique, il est encore dans cet hommage humain de l'artiste à la beauté du monde (qui existe tout autant et en même temps que l'horreur).
Maintenant, Rainer Maria Rilke (un des plus grands poètes de langue allemande), dans lettres à un jeune poète (je vous encourage à lire ce texte, cela se lit vite et bien, c'est une dizaine de lettres ) s'exprimait sur la question de la sexualité et du sentiment d'amour, en témoignant du fait que c'était - d'après lui - un des sujets les plus forts, mais aussi un des sujets les plus délicats à traiter pour un artiste.
D'après lui, atteindre une expression juste et singulière sur un thème comme celui ci était très délicat. Et pour lui, cela lui demandait beaucoup de travail. Il affirmait qu'il y avait toujours le risque de tomber dans le cliché, la convention banale et la redite.
Ps -
adjim a écrit:
"bien aborder la sexualité". Tout un concept, qui fixe les règles?
Pour ma part, je me plaçais sur le plan artistique, pas moral. Je tiens à le préciser. Sinon, pour les règles, il y a la loi (pénale) et le juge pour qualifier les comportements de légalement répréhensibles. Bref, c'est pas nous... en tout cas.
adjim a écrit:
personnellement je ferait juste une différence entre ceux qui utilisent la sexualité d'un point de vu uniquement marchand, on mets des nichons pour vendre et ceux où elle est intégrée pleinement dans l'histoire.
Sur le plan artistique, je partage pleinement ton point de vue. Tout est dans la façon d'aborder, d'utiliser... comme tu dis.
Et pour la première catégorie, j'apprécie l'intégrité des mangaka qui font au moins le geste de souligner le fait qu'ils sont en train de faire du fan service... au moins il assume et c'est clair. Pour la seconde catégorie, il y a en règle général, un cheminement et une maturation chez l'artiste.
Et c'est cela que je trouve le plus intéressant. Pas la scène en soi, mais le cheminement.
adjim a écrit:
On ne compte plus les auteurs (pas uniquement manga) qui ont abordé la découverte de la sexualité.
Non, et heureusement, car c'est un des plus vieux et (parfois) un des plus beaux sujets au monde que la rencontre entre deux personnes.
Maintenant, les auteurs qui trouvent le ton juste (à travers les moyens de leur art) et la distance juste sont plutôt rares.
adjim a écrit:
(Pour Berserk), ce n'est pas de la pédophilie car le but n'est pas l’excitation mais l'explication l'analyse du comportement.
Miura traite de la guerre et de l'horreur. Il aborde le thème de la violence incontrôlable et de la monstruosité... il va donc beaucoup plus loin et surtout plus profond que juste le thème d'une pratique sexuelle qui reste plutôt à la périphérie.
Et n'oublions pas que Guts a été le bras armé de Griffith. Et comme Griffith, Guts par exemple est un assassin qui aura tué des milliers d'hommes... à main nue. Là ou Griffith décidait et commandait, Guts éxécutait (au sens propre et figuré du terme...)
Par ailleurs, pour Miura, je ne sais pas si tu peux te placer uniquement sur le plan de la raison. Je verrais plutôt à utiliser le concept de sublimation, entendu comme un processus dynamique d'expression, en même temps que de transformation.
Et je ferai l'hypothèse que Miura va puiser en lui même et qu'il va puiser profond (cf. le point de départ: une violence/colère extreme) et qu'ensuite, il a dessiné/(re)construit à partir de là (cf. le concept de sublimation de Freud).
adjim a écrit:
La perversité et l'immoralité ca existe et un auteur doit avoir le droit d'explorer ses domaines.
Oui. En même temps, tu soulèves une question de fond... qui sors du cadre de ce post. En tout cas, une oeuvre est clairement à distinguer d'un passage à l'acte sordide...
adjim a écrit:
C'est d’ailleurs dans ces extrêmes ou l'on peut le mieux étudier les fin-fond de l'être humain et c'est souvent le plus intéressant.
Oui, en même temps, il convient de distinguer le processus de l'auteur/le créateur de celui du lecteur. Pour le lecteur, se pose la question de la réception de l'oeuvre et de sa capacité à recevoir qui sont des compétences à travailler et à développer, au même titre que l'auteur développe ses compétences à raconter ou à dessiner.
D'ou l'intérêt de partager ensemble, sur un forum, comme celui ci, soit dit en passant.
adjim a écrit:
Maintenant il y a le sexe pour le sexe et la c'est deja beaucoup plus gênant surtout concernant des jeunes. On cherche juste à exciter le lecteur.
Oui, on revient à question de la marchandisation... ou la sexualité redevient prétexte à consommation/transaction financière. Et ou la part d'humanité de soi/de l'autre est subordonné à tout un tas de truc qui enferment, plutôt qu'ils n'ouvrent sur la vie, la joie et le partage.
Et là, tu réintroduit la question éthique.
En fait, c'est donc aussi la question de la part d'implication et d'intégrité de l'artiste dans son processus artistique.