Brutus a écrit:
Saverne, tu devrais tenter les nouveaux, Origins ou Odyssey. Ca n'a plus rien à voir.
C'est noté ! ...pour quand j'aurais une PS5 (en croisant toujours les doigts pour la rétrocompatibilité).
aristide a écrit:
Ou alors tu veux que les historiens reconnus montrent leur zizi ou leur nénette chez Hanouna pour faire le buzz avant de promouvoir leur histoire de la Shoah ou de l'Inquisition ?
J'essaie d'imaginer le parcours que tu as fait pour me prêter la possibilité d'avoir de telles intentions !
Excuse-moi si mon propos n'a pas été assez précis. Je fais une distinction entre vulgarisateur et idéologue. Lorànt Deutsch relève de la première catégorie, Eric Zemmour relève de la seconde, qui ne m'intéresse pas particulièrement.
Lorànt Deutsch est comédien, s'exprime facilement et est passionné par l'histoire. Il fait un bouquin sur le thème "eh, vous savez cet endroit à travers lequel vous passez quotidiennement ? eh bien il s'y est passé un truc extraordinaire". Guide touristique romancé ? Peut-être bien, mais c'est une approche facile d'accès, pas intimidante comme je le disais, c'est engageant. En plus, comme le bonhomme est connu, c'est rassurant, et ça donne un angle de traitement par les médias généralistes. Les gens l'achètent pour eux, et puis aussi comme cadeau pour offrir. Personne n'y perd rien dans tout ca, beaucoup y découvrent des trucs qu'ils ne connaissaient pas avant.
Après, il y a les bouquins d'histoires accessibles. Les étagères de la Fnac en sont pleines, ils sont chroniqués dans des magazines du genre Historia, leurs auteurs, des historiens reconnus, seront reçus dans quelques émissions de radio, ou peuvent être invités à s'exprimer ponctuellement sur tel ou tel thème dont ils sont spécialistes. C'est bien, mais leur cible c'est grosso modo des gens comme moi : c'est-à-dire des gens qui s'intéressent déjà à l'histoire, qui ont un certain nombre de repères minimum, mais qui sont loin d'être des pros en la matière. Parfois le contenu est accessible au parfait néophyte, parfois moins, sans que les auteurs ne semblent s'en rendre compte (par exemple, lorsqu'ils balancent des citations en latin sans traduction), mais la majorité de la population ne prendra de toute façon même pas la peine d'aller voir ce rayon à la Fnac pour voir ce qu'il y a dedans... L'impact est forcément limité.
Et puis, il y a les gens comme Patrick Boucheron, qui est au Collège de France et dont la lecture est donc obligatoire pour le CAPES, deux mentions qui ne sont pas autant d'indices d'accessibilité au premier venu. (Et je n'ai rien cité qui lui donnait le qualificatif de romancier national, bien au contraire.)
Ils semblent en effet reprocher à Lorànt Deutsch quelque chose :
herodote.net a écrit:
Dès l'introduction, Patrick Boucheron annonce la couleur : son livre part d'une ambition politique, « mobiliser une conception pluraliste de l'histoire contre l'étrécissement identitaire qui domine aujourd'hui le débat. Par principe, elle refuse de céder aux crispations réactionnaires l'objet "histoire de France" et de leur concéder le monopole des narrations entraînantes ».
On l'aura compris. L'éminent professeur veut damer le pion aux Éric Zemmour, Stéphane Bern, Franck Ferrand, Max Gallo, Dimitri Casali et autre Laurant Deutsch, coupables de n'être pas issus de l'Université et de réaliser des ventes astronomiques avec des ouvrages qui s'inscrivent dans une tradition séculaire. Ces auteurs à succès se voient reprocher une orientation droitière, voire monarchiste.
Tous ces gens là ne semblent pourtant pas être une sur même ligne.
Je persiste, Lorànt Deutsch a eu du succès car il a fait quelque chose qu'aucun historien chevronné ne faisant. Le livre
Histoire mondiale de la France semble donc avoir été écrit en réaction à cela. Pour le coup, ce livre a été l'objet d'une grosse couverture médiatique, facilitant le gros succès. Et plutôt que d'être sur "les types connus de la télé vont vous parler d'histoire", cette couverture médiatique a été, pour résumer, sur le thème "les intellectuels de gauche et les intellectuels de droite s'écharpent". Eh, c'est une stratégie marketing comme une autre.
Et d'où je cite cet article que je trouvais intéressant sur
Qui a écrit le roman national ? :
Citation:
Plus globalement, David Gaussen voit dans les réactions épidermiques de la communauté universitaire face à la résurgence du roman national un simple réflexe de jalousie corporatiste. Le propos des auteurs et de l’autrice des Historiens de garde, dit-il, « se limite à une défense de la profession des historiens contre ceux qui, n’en étant pas, rencontrent du succès » (p. 45), Gérard Noiriel de son côté n’aurait d’autre but que de « défendre les « historiens de métier » » (p. 157), quand Patrick Boucheron, encore lui, « porte-parole de la fierté blessée du monde académique » (p. 193), ne serait que le « mandataire d’un syndicat informel » dont le projet serait « d’apporter la réponse collective d’une profession qui entend défendre son savoir-faire » (p. 208).
Citation:
C’est aussi quand ces visions de l’histoire, reprises à l’envi dans les discours politiques, par des candidats en mal de buzz ou de bulletins, conduisent à des rhétoriques décomplexées qui contribuent à effriter ce qui reste de consensus républicain. Une mauvaise histoire, utilisée pour de mauvaises raisons et pouvant conduire à des conséquences funestes pour notre pacte citoyen : voilà ce qui est visé par celles et ceux qui se sont mobilisés, depuis le début de ce siècle, contre ces retours récurrents du roman national.
Citation:
David Gaussen le dit du reste avec raison : un auteur comme Lorànt Deutsch a beau être connu pour son engagement royaliste, dont il ne se cache pas, il n’est pas un idéologue (p. 67), et on peut ajouter qu’il n’est pas un leader d’opinion. Combien de lecteurs se sont convertis à la monarchie en lisant Métronome ou Hexagone ? Il n’y a clairement pas là de danger immédiat de subversion antirépublicaine, pas plus que dans le succès de Secrets d’histoire.
Donc pour résumer mon avis : Les gens comme Patrick Boucheron s'en prennent à des gens comme Lorànt Deutsch car ils les prennent pour des gens comme Eric Zemmour, et ce, car les gens comme Lorànt Deutsch ne font pas la même chose que les gens comme Patrick Boucheron. Or ce faisant, il y a un risque de leur part à politiser l'histoire, ce qui est exactement ce qui est reproché aux gens comme Eric Zemmour. Patrick Boucheron et Eric Zemmour se retrouveraient à être les deux faces d'une même médaille, ce qui n'est pas, je crois, le but recherché.
Enfin, l'histoire mondiale décentrée et l'histoire événementielle plus locale peuvent être complémentaires, c'est ce que je pense. C'est dommage que les universitaires se concentrent sur la première et les vulgarisateurs sur la deuxième, quand ce sont des champs pertinents pour les deux.
Excusez les circonvolutions, j'essaie d'être à la fois précis et suffisamment impartial entre ces camps, pour éviter les idéologies. Dites le moi si vous trouvez un problème à mon message.