n1k00 a écrit:
T'inquiète j'ai rien contre Celim. bien au contraire.
Puis j'ai hâte qu'un certain prof gros et chauve voit ça lui qui trouvait Trump si bien...
Je sais que tu n'as pas trop l'habitude de lire des textes où il n'y a pas d'image, n1k00
, mais celui-ci est intéressant.
Extrait du
Monde diplomatique de mai 2016, article de Benoit Bréville, intitulé "Les Etats-Unis sont fatigués du monde"
Citation:
(...)
Dominant avant la seconde guerre mondiale, l’isolationnisme disparaît presque entièrement du camp conservateur pendant la guerre froide, avant de réémerger après l’effondrement de l’URSS. Il prend alors deux formes : celle d’un repli strict, représenté par le libertarien Ron Paul, et celle d’un anti-interventionnisme conservateur, promu par M. Patrick Buchanan, ancien collaborateur de Nixon et de Reagan : « Si nous n’arrêtons pas de nous comporter comme l’Empire britannique, nous finirons comme l’Empire britannique (17) », assénait ce dernier en 2006. Ce courant, très minoritaire dans les années 1990 et 2000, connaît une nouvelle vigueur sous la présidence Obama. Regroupé autour du Cato Institute et de la revue The American Conservative (fondée en 2002 par M. Buchanan pour s’opposer à la guerre en Irak), il met en avant les désastres afghan et irakien, mais aussi le contexte de crise économique et sociale. La dette publique conduit certains républicains à préférer une réduction des dépenses au maintien des budgets militaires. En août 2011, le Congrès a ainsi voté un plan d’austérité (dit de « séquestration ») prévoyant 1 000 milliards de dollars de coupes dans les budgets de l’armée sur dix ans. Les « faucons budgétaires » l’ont alors emporté sur les « faucons militaires ».
Le succès des candidatures de MM. Trump et Cruz dans le camp républicain confirme cette nouvelle tendance et révèle le décalage croissant entre l’establishment de la politique étrangère et des électeurs tentés par le repli. Aujourd’hui encore, les think tanks les plus influents, les hauts fonctionnaires du Pentagone et du secrétariat d’Etat, les éditorialistes du Wall Street Journal, du Washington Post, de Fox News ou de Cable News Network (CNN) demeurent largement acquis à l’interventionnisme, et leur voix est toujours aussi forte. « L’establishment de la politique étrangère est presque entièrement composé de néoconservateurs à droite et d’interventionnistes libéraux à gauche », constate Benjamin Friedman (18). La plupart de ces observateurs avisés ont déclaré qu’ils s’abstiendraient si MM. Cruz ou Trump devaient représenter le Parti républicain à la présidentielle. Certains voteraient même pour Mme Clinton. La prétendante démocrate a soutenu la guerre en Irak, les bombardements en Syrie et en Libye ; elle trouve que l’accord nucléaire signé avec l’Iran manque de fermeté et n’a pas hésité à critiquer M. Obama depuis qu’elle a quitté le secrétariat d’Etat. Même si elle a récemment édulcoré ses propos pour contrer les attaques de son concurrent Bernie Sanders — qui appartient depuis toujours à la frange antiguerre des démocrates —, elle est la candidate la plus interventionniste, et la plus rassurante pour l’élite américaine de la politique étrangère. « Les réalistes et les autres chercheurs sceptiques quant aux interventions sont surtout confinés à l’université », estime Friedman.
Se recentrer sur les Etats-Unis : l’argument revient souvent dans la bouche de MM. Cruz, Trump et Obama. Tous trois partagent l’idée que les alliés de Washington — de l’Arabie saoudite à la France en passant par les pays du Golfe, l’Allemagne et le Japon — devraient cesser de s’en remettre à lui et porter leur part du fardeau du système sécuritaire international. Enfin, s’ils affirment tous leur volonté de défendre coûte que coûte Israël et de mettre l’OEI hors d’état de nuire, M. Cruz proposant même de lui appliquer la méthode du « tapis de bombes », ils s’accordent paradoxalement pour considérer que le Proche-Orient n’est plus au centre des intérêts américains.
Sans doute juste sur le plan économique, cette idée interroge d’un point de vue moral et politique : les Etats-Unis peuvent-ils décréter du jour au lendemain qu’ils ne veulent plus d’un leadership qu’ils ont forgé à la force des canons pendant soixante ans ? Peuvent-ils se détourner, sans aucun état d’âme, sans aucune réparation (compensation financière, soutien diplomatique, mise en place d’une coopération fondée sur le juste échange, etc.), d’une région qu’ils ont patiemment déstabilisée ? L’important « n’est pas de savoir s’il y a la paix [au Proche-Orient], mais si les Etats-Unis sont impliqués dans l’absence de paix », a cyniquement résumé Jeremy Shapiro, chercheur à la Brookings Institution et conseiller au département d’Etat. On ne peut faire table rase de l’histoire : même quand ils ne maintiendront plus de soldats dans la région, les Etats-Unis resteront comptables du chaos qu’ils ont enfanté.
Benoît Bréville
La politique intérieure des Etats-Unis, pour l'heure, ne m'intéresse pas. Le traitement de la question sociale et raciale américaine étant très complexe, je doute, dans ce que j'ai pu lire, que les discours de Clinton, comme de Trump, soient suffisamment réalistes et réalisables pour la régler. Il est évident que démographiquement parlant, les WASP sont en train de perdre la guerre du numérique (dans le sens quantitatif du terme) face aux latinos et aux afro-américains. Que ces derniers sont majoritairement socio-économiquement marginalisés et qu'ils sont soumis aux mêmes genre de divisions que connaît une grande partie des pays ayant connu les grandes vagues migratoires des XIXème et XXème siècles. Les murs, comme ceux que souhaitent mettre Trump, n'ont jamais servi qu'à fermer des pays (voir le cas d'Israël et le mur de Sharon), et les politiques populistes et socialistes pro multiculturalisme ont souvent fait fi des données anthropologiques et sont souvent d'abord animés par des objectifs économiques et électoralistes. Donc, la politique intérieure des deux candidats, comme je l'avais déjà expliqué dans un autre post, ne m'intéresse pas.
Ce qui m'intéresse, c'est la politique étrangère des Etats-Unis. Et là, je préfère Trump. J'ai passé trois années à bosser la géographie des conflits, à me farcir des articles et des bouquins de spécialistes sur la question, et y a encore deux mois, le monde diplomatique, pourtant pas spécialement pro-Trump, mettait bien en évidence l'interventionnisme américain passé (disons post guerre froide et 9/11), et l'interventionnisme voulue par Clinton. J'estime avoir le droit de marcher sur ce chemin de crête entre pro Trump et pro Clinton, et exprimer mon avis sur les aspects du débat que je souhaite, comme ici les projets de guerre de Clinton, sans me faire taxer d'irréaliste hein.
Après, encore une fois, je n'ai pas spécialement envie de me prendre le chou pour les élections américaines qui sont, à chaque fois, du grand spectacle. Je n'ai pas spécialement envie de participer à l'hystérie collective qui consiste à être dans la "team machin", comme le font les adolescentes sur twitter au sujet des One Direction, ou d'avoir le confort intellectuel d'appartenir au courant de pensée dominant.
Je laisse à L. F. Céline la fin de mon message sur ce petit passage de
Voyage au bout de la nuit que j'apprécie particulièrement, et qui résume en grande partie mon point de vue sur l'interventionnisme américain, et la guerre de façon générale (désolé n1k00, ça fait encore plus de chose à lire
) :
Citation:
- Est-ce vrai que vous soyez réellement devenu fou, Ferdinand ? me demanda-t-elle un jeudi.
- Je le suis ! avouai-je.
- Alors, ils vont vous soigner ici ?
- On ne soigne pas la peur, Lola.
- Vous avez donc peur tant que ça !
- Et plus que ça encore, Lola, si peur voyez-vous, que si je meurs de ma mort à moi, plus tard, je ne veux surtout pas qu’on me brûle ! je voudrais qu’on me laisse en terre, pourrir au cimetière, tranquillement, là, prêt à revivre peut-être. .. Sait-on jamais ! Tandis que si on me brûlait en cendres, Lola, comprenez-vous, ça serait fini, bien fini… Un squelette, malgré tout, ça ressemble encore un peu à un homme … C’est toujours plus prêt à revivre que des cendres … Des cendres c’est fini ! … qu’en dîtes-vous ? … Alors, n’est-ce pas la guerre…
- Oh ! Vous êtes donc tout à fait lâche Ferdinand ! Vous êtes répugnant comme un rat…
- Oui tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu’il y a dedans … Je ne me résigne pas moi … Je ne pleurniche pas dessus moi … Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux plus rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c’est eux qui ont tort Lola, et c’est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir.
- Mais c’est impossible de refuser la guerre, Ferdinand ! Il n’y a que les fous et les lâches qui refusent la guerre quand leur Patrie est en danger …
- Alors vivent les fous et les lâches ! Ou plutôt survivent les fous et les lâches ! Vous souvenez-vous d’un seul nom par exemple Lola, d’un de ces soldats tués pendant la guerre de Cent ans ?... Avez-vous jamais cherché à connaître l’un de ces noms ? … Non, n’est-ce pas ? Vous n’avez jamais cherché ? Ils vous sont aussi anonymes, indifférents et plus inconnus que le dernier atome de ce presse-papiers devant nous, que votre crotte du matin …Voyez donc bien qu’ils sont morts pour rien, Lola ! Pour absolument rien du tout, ces crétins ! Je vous l’affirme ! La preuve est faite ! Il n’y a que la vie qui compte. Dans dix milles ans d’ici, je vous fais le pari que cette guerre, si remarquable quelle nous paraisse à présent, sera complètement oubliée… A peine si une douzaine d’érudits se chamailleront encore par ici, par là, à son occasion et à propos des dates des principales hécatombes dont elle fut illustrée… C’est tout ce que les hommes ont réussi jusqu’ici à trouver de mémorable au sujet les uns des autres a quelques siècles, à quelques années et même à quelques heures de distance… Je ne crois pas à l’avenir Lola…
Peace, comme dirait Celim