Le peintre du désert (un conte onirique). - Cela va faire maintenant des jours et des jours entiers que je marche dans ce désert...
Les nuits, les jours, je ne les compte plus : passés dix, ça sert plus à rien. De toute façon j'y crois plus.
Pas la moindre trace d'une ombre... Il doit faire au moins 40°C et je n'ai rien bu depuis des heures...
Combien de temps vais-je pouvoir tenir ?
Je n'en sais rien. Mais ne dit-on pas : "où il y a de la vie, il y a de l'espoir ?"
Le dernier scorpion que j'ai mangé me reste en travers de la gorge : est-ce que le venin se trouve uniquement dans sa queue,
ou bien est-il réparti dans tout son corps, à doses variables de concentrations ?
On s'en fiche. De toute façon, je vais crever ici. Comment ai-je pu en arriver là ?
Tout avait pourtant été si bien préparé : le passeport, la valise, les billets, le train, l'avion... Tout s'était bien passé. Trop bien passé.
Je suis le seul survivant, plut à Dieu que je sois célibataire et sans enfant! Ah! Que dirait mon père dans un moment pareil...
Lui, il se serait tiré d'affaire. Lui, il aurait attendu près de l'avion que des secours arrivent. Lui, il aurait eu une chance d'être sauvé.
Pas comme moi. Moi, j'ai pas pu m'empêcher de bouger. Il le fallait. Pas moyen de rester là, à attendre.
Quel est le con qui a écrit "le mouvement, c'est la vie" ?
Bon Dieu, qu'est-ce qui m'a pris ? Mais qu'est-ce qui m'a pris !?
... Je crois que je vais rester là... A attendre... Mon heure... Avec cette plante grasse pour dernier repas...
Une poignée de sable entre les mains, notre homme sent sa vie s'étioler.
S'écroulant de tout son poids, il tombe en catalepsie et s'endort.
Pour combien de temps ? Lui-même l'ignore.
Le passager du vol RSF666 est un homme comme les autres. Un homme banal, sans histoire. Simple fonctionnaire pendant dix mois,
il est, le reste de l'année, ce que l'on appelle communément "un touriste".
Plutôt méticuleux pour ce qui est de l'organisation de ses affaires privées, il n'avait, ce jour-là, rien laissé au hasard.
Mais la vie en avait décidé autrement.
Une panne électronique avait forcé le commandant de bord à atterrir précipitamment dans un désert.
La violence du choc avait brisé les vertèbres cervicales ou lombaires des autres passagers.
C'est aussi de cette façon que mourraient la plupart des pendus au Moyen Age qu'on balançait violemment depuis les gibets de potence.
De simple touriste, il était devenu en une fraction de seconde l'unique survivant d'un crash.
Les nuits sont fraîches dans les déserts, glaciales.
Le peu de rosée qui se forme alors est salvateur pour qui a tout perdu... Sauf l'espoir.
Au petit matin, c'est de nouveau la fournaise et l'enfer sur terre.
Tel un supplice de l'Hadès, le cycle reprend, réveillant inlassablement l'homme qui ne croyait plus en sa propre existence.
C'est à peine s'il arrive à se relever, prenant appui sur un genou, dans un dernier sursaut d'énergie.
Et la marche reprend... Au loin, l'horizon s'étend face à lui, les dunes comme autant de mirages changent de formes à chaque instant,
donnant au désert un visage chaque heure différent.
Il est perdu. Il se retourne. "Suis-je déjà passé par là ?" "... Non, plutôt par ici..."
Il ne sait plus. Il ne sait plus d'où il vient. Il ne sait plus où il va.
Et sa vie perd peu à peu tout son sens, à chaque pas, à chaque avancée,
c'est un peu de lui qui s'en va comme ces grains de sable que le vent disperse.
Soudain, il semble apercevoir une forme au loin. Une silhouette ombrageuse, loin, très loin... Serait-ce un mirage ?
Il se frotte les yeux. Il regarde un peu mieux. Les yeux plissés, le visage tendu vers l'avant, il ne parvient pas à distinguer la forme.
Seul le bruit du vent a quelque chose de réel ici, dans cet univers onirique d'un marchand de sable fou qui aurait été trop généreux.
L'espoir renaît en lui... Il se décide à aller vers cette forme... Il croît courir, mais il ne fait que marcher...
Au-delà de la classique notion d’espace, où l’Homme projette ses pas,
il est une zone entre chien et loup où l’imagination vagabonde entre la science et la superstition, le réel et le fantastique.
Une dimension inconnue de l’Homme. Une dimension faite non seulement de paysages et de sons, mais surtout d’esprit.
Une dimension sans espace, ni temps, mais infinie. C’est un voyage dans une contrée dont la seule frontière est notre imagination.
Un voyage dans les ténèbres. Un voyage au bout de la peur, aux tréfonds de nous-même.
Pour notre touriste, à présent, il est temps de rentrer dans La Quatrième Dimension.
"Hé !... Hé ! ...Monsieur ? ...Monsieur ! ...Vous m'entendez !?"
Plus je m'approche, et plus la forme me paraît distincte à présent.
Non, il semblerait qu'il n'y ait, non pas une, mais deux formes,
dont l'une semble se mouvoir de façon grotesque et l'autre parfaitement immobile, impassible. La fatigue me ralentit.
Ma chemise entourée sur la tête, je m'essuie le front...
Et arrive enfin, épuisé, mais vivant, à quelques mètres seulement des deux silhouettes. Je souffle, plié en deux. Je me redresse.
Mais quel spectacle s'offre soudain à mes yeux! Et quelle n'est pas ma surprise de voir ici, en plein désert,
un homme en chemise blanche, un béret de peinture sur la tête, les cheveux ébouriffés, les moustaches étonnamment allongées,
un énorme pinceau dans une main et dans l'autre une palette de couleurs, en train de s'essayer à peindre sur un chevalet en bois !
"Monsieur... Excusez-moi... Je suis perdu, il y a un village ici ? Vous comprenez ce que je vous dis ?"
Pas de réponse.
Puis un sursaut. Et un horrible cri de rage.
L'artiste peintre gesticulait dans tous les sens tout en s'exprimant avec un horrible accent italien.
"Raaaaaaaaaaahhhhhhhhhh mais qu'est-ce que c'est que ça, hein !? Je ne comprends pas, je ne comprends pas !!!
Ca fait la dixième fois que j'essaie de refaire cette couleur... Je n'y arrive pas..." Il avait les yeux larmoyants.
Un artiste, sans aucun doute. Quel énergumène ! Mais, un italien, ici !? Comment est-ce possible... ?
Soudain, le peintre me vit, et, se retournant vers moi :
"Vous ! Il me pointait de son énorme pinceau. Vous, là ! Vous la voyez la galaxie là bas",
et d'un geste nerveux qui m'aspergea de 2 ou 3 couleurs primaires, il me montra le ciel azur du bout de son pinceau.
"Je n'arrive pas à imiter son coloré (son quoi ?)... Son coloré ! répéta-t-il plus fort comme s'il avait lu dans mes pensées,
Ah mais qu'est-ce que j'ai fais au bon dieu pour mériter ça, hein ? Je suis un bien piètre artiste peintre, vous savez..."
Et il se mit à sangloter comme un petit enfant à qui on aurait confisqué les feutres parce qu'il a dessiné sur les murs blancs.
Celle-là c'est la meilleure. Cet excentrique tombé du ciel est là, en train de se lamenter pour des broutilles,
et c'est à moi de le réconforter, alors qu'il n'y a pas cinq minutes j'étais à l'article de la mort !?
D'un air résigné, il se tourna vers son chevalet.
"Regardez, là, la comète, me dit-il doucement, j'ai pourtant bien réussi à imiter son coloré, non?"
Surpris, je décide de regarder malgré tout l'oeuvre d'un peu plus près. M'approchant, je regarde le tableau.
Il n'y a rien. Une toile blanche comme de la soie. Evidemment.
Je me retourne vers le peintre, à demi-étonné.
"Là, en haut, à droite, la comète, vous ne la voyez pas ?" fit le peintre, visiblement excédé de mon incrédulité.
"Monsieur... Avec tout le respect que je vous dois, il n'y a rien : votre toile est vide."
Le peintre, étonné d'une telle réponse, pris le tableau dans ses deux mains, le regarda attentivement.
Puis d'un air rassuré : "Ah! mais c'est évident, je ne l'ai pas encore peinte... Attendez, attendez, laissez-moi vous figurer la chose...
Laaà, un peu de ceci..." Il trempa le bout de son pinceau dans la gouache étalée à la va-vite sur sa palette.
"Iciii, un peu de cela..." Et il commença à peindre.
C'était un peu brouillon au début, le pinceau avait des gestes confus et maladroits, imprécis, de plus en plus nerveux, vifs.
Puis, peu à peu, on pouvait commencer à distinguer une lumière sur cet écran blanc, une lumière qui se déplaçait de droite à gauche.
"Voilà, ce qu'il faut, c'est ajouter le coloré spatial, comme ceci..." Le peintre, très rapidement entourait sa lumière d'un velouté noir... Ou plutôt bleu nuit, avec de multiples nuances.
La lumière jaune semblait se décliner au contact de cette peinture bleue en de multiples tons allant du jaune vif au vermeil,
en passant par l'orange... Comment diable d'y prenait-il pour nuancer ainsi ses couleurs ?"
"Ah, inutile d'invoquer l'archidémon...(il m'avait entendu dans mes pensées ?)... C'est l'Art !"
C'était magnifique. Beau à en avoir les larmes aux yeux.
Et, tout en écoutant ses modestes paroles, je commençais à apercevoir vraiment une comète sur la toile.
Mais une comète telle que je n'en avais jamais vu ou même imaginé de toute ma vie.
Oh, j'avais beau essayer de me souvenir des étoiles filantes que j'apercevais parfois, en été,
au bord de la falaise et quand le ciel était parfaitement dégagé.
Cet astre-là, c'était autre chose. Peut-être même hors de portée de tout ce que la nature elle-même pouvait faire de mieux.
Il me fallait plisser les yeux tant la blancheur de la lumière de la comète était réaliste.
Et quand on regardait longtemps cette partie du vide spatial que le peintre avait creusé dans sa toile,
on était projeté hors de notre système solaire. Il y a avait tant de profondeur qu'on pouvait deviner une myriade d'étoiles au loin.
C'était fou... Comment était-ce possible ?
Et la comète elle-même semblait en mouvement. Elle nous échappait du regard.
Alors, happé par l'espace, je devais retenir ma respiration pour ne pas suffoquer.
Ce que je ressentis me rappela fortement la sensation qu'on éprouve quand on est en avion, à l'instant où celui-ci décollait du sol.
A bien y regarder l'esquisse idyllique du peintre semblait se mouvoir avec mes pensées, suivant l'inspiration.
"Mon jeune ami, dit-il tout en se laissant porter par sa muse, c'est le pouvoir de l'imaginaire.
Le plus grand pouvoir de l'Homme.
Je ne parle pas d'abstraction !! Il venait de me hurler dans les oreilles.
Non, reprit-il tout doucement, rien que l'imagination...
Même dans les moments les plus durs, les plus vides de la vie, la richesse de l'imagination offre toujours une image du bonheur."
Il termina sa phrase dans un sourire. Je ne savais pas que l'artiste était aussi philosophe.
Soudain, je ne sais ce qu'il lui prît, car tout à coup, comme devenu complètement fou, le voilà qui se met à courir !
"Là ! Un oiseau de paradis !", et il me montre de son pinceau un ciel azur sans nuage.
"Là ! Une oasis !" , et de me faire voir aux alentours ce qui n'est qu'un sablier géant.
"Là, là... Le palais des 1001 nuits !", et de tomber à genoux face à une dune.
Il se baisse... "Prenez bien garde à ne pas glisser sur le parquet", me dit-il avec un clin d'oeil complice.
Et il court en criant de joie. Il court, il court. Même s'il n'a plus toute sa tête, je dois le rattraper : comment-est il arrivé ici ?
Il est peut-être mon seul et unique espoir de m'en sortir vivant !
"Hé, monsieur ! Attendez ! Attendez !!! Attendez-moi..."
Et la marche reprend...
Au loin, l'horizon s'étend face à lui, les dunes comme autant de mirages changent de formes à chaque instant,
donnant au désert un visage chaque heure différent.
Il est perdu. Il se retourne. "Suis-je déjà passé par là ?" "... Non, plutôt par ici..."
Il ne sait plus. Il ne sait plus d'où il vient. Il ne sait plus où il va.
Et sa vie perd peu à peu tout son sens, à chaque pas, à chaque avancée,
c'est un peu de lui qui s'en va comme ces grains de sable que le vent disperse.
Une poignée de sable entre les mains, notre homme sent sa vie s'étioler.
S'écroulant de tout son poids, il tombe en catalepsie et s'endort.
Pour combien de temps ?
Lui-même l'ignore.
Le passager du vol RSF666 est un homme comme les autres.
Un homme banal, sans histoire.
A quelques centaines de mètres de l'avion qui s'est crashé,
comme dit le poète :
"il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, tranquille,
souriant comme sourirait un enfant malade, il fait un somme."
Deux bédouins de passage discutent à ses côtés.
Ils sont étonnés de voir cet homme mort depuis plusieurs jours, un sourire aux lèvres, malgré sa mésaventure,
comme il n'en existe que dans La Quatrième Dimension .
Mais bon a plus d 100K on ferme souvent les yeux 
Sinon y a d'autres coins surement sympa en France, c'est surtout la région Parisienne dont tout le monde se plaint. 
