Je rejoins saverne sur Nothomb: Hygiène de l'assassin m'avait énormément marqué. Ca correspondait à la période des Catilinaires roman par lequel j'ai découvert Nothomb. Je suis devenu fan avec ces premiers romans. Depuis, je me suis lassé de l'écrivain, et ses romans me tombent des mains, Cosmétique compris. Pas de jugement définitif là-dedans, simplement que je dois faire partie de ceux qui préfèrent les débuts de Nothomb.
Sinon, je profite du sujet pour évoquer quelques lectures récentes.
D'abord, des lectures pas si récentes finalement, mais qui ont été parmi celles qui m'ont le plus marqué ces derniers mois. Il s'agit des deux romans de Jonathan Safran Foer, jeune romancier américain. Le premier, Tout est illuminé, et le second, Extrêmement fort et incroyablement près. Evacuons le problème d'entrée: les titres sont épouvantables. Mais ces romans sont tout bonnement géniaux. On est dans la tradition des romans américains à trames croisées qui prennent sens ensemble à la fin du récit. Ici, c'est maîtrisé de main de maître, et s'y rajoute une écriture multipliant les images, l'insertion du merveilleux dans le récit et une qualité d'expression monstre.
Tout est illuminé raconte l'histoire mythologique de la famille du narrateur (l'écrivain lui-même en fait, on est proche de l'autofiction si on veut rentrer dans des cadres "français"). Ca commence plus de deux cants avant nous, et on remonte jusqu'à nos jours ou presque. Famille juive et village improbable d'Europe de l'est, dont la localisation est l'enjeu du second récit. Celui-ci est assuré par un guide ukrainien qui correspond avec l'écrivain, et qui raconte leur périple pour retrouver ce village. et là, c'est à pisser de rire. La traduction en français doit être prodigueuse, parce que les fautes de langues du guide font tout le comique, et ça passe très très bien. On a donc deux récits, l'un très poétique, l'autre très cocasse, tous les deux complètement délirants.
Extrêmement fort et incroyablement près reprend la même thématique globale de la mémoire, mais cette fois autour du 11 septembre. Trois récits s'y enchevêtrent: d'une part celui d'un petit garçon qui a perdu son père ce jour-là, celui de sa grand-mère, et celui d'un homme s'adressant à son enfant. C'est, pour moi, magnifique. On a pu lui reprocher de trop jouer sur les images, d'incarner une "dérive" des écoles d'écriture à l'anglo-saxonne. Quand c'est aussi bien fait, franchement, ça me paraît hors de propos comme critique. Ce roman perd en comique par rapport au premier, mais gagne terriblement en émotion.
Bref, à lire absolument!
Sinon, concernant la rentrée littéraire, je recommanderais chaudement Des hommes de Laurent Mauvignier chez Minuit. Ca fait un moment que cet auteur "monte", et là, il a un un véritable écho. Et c'est justifié! C'est pour moi, depuis quelques années, l'un des auteurs dans lesquels je crois le plus (il a une trentaine d'années), et ce dernier roman, plus "facile", au sens de "médiatique", par son propos (souvenirs de la guerre d'Algérie), est encore une fois remarquable par son écriture. On a un récit continu mais qui passe quasiment de conscience en conscience, mais sans les repères qu'on peut encore trouver chez Woolf. on est plongé dans une sorte de marasme psychique qui traduit vraiment bien l'angoisse et les questionnements vains des soldats français que Mauvigneir a pris comme personnages. Le récit commence sur les campagnes françaises "profondes", et sur un drame raciste qui fait remonter les souvenirs de certains membres de cette communauté. C'est durant une nuit blanche qu'on sera plongé dans cette guerre qui ne se déroule jamais vraiment pour ces hommes. C'est pas facile comme lecture, non pas à cause du propos, mais bien à cause de l'écriture, très méandreuse. Mais c'est très beau. Et plus fluide encore que son précédent roman, Dans la foule (sorti lui en collection double, soit l'édition de poche de Minuit, c'est pour ça que je le signale).
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