Episode 1 : Neverland
(fait suite à l'épisode 'pilote' du 7 Novembre 2017)
“Prophet!” said I, “thing of evil! - prophet still, if bird or devil! -
Whether Tempter sent, or whether tempest tossed thee here ashore,
Desolate yet all undaunted, on this desert land enchanted -
On this home by Horror haunted - tell me truly, I implore -
Is there - is there balm in Gilead? - tell me - tell me, I implore!”
Quoth the Raven “Nevermore.”
~ E.A.P.~*~
"Non !"
Extirpé par son propre cri de ce qui n'avait été qu'un mauvais rêve, il reprenait peu à peu ses esprits.
Assis dans son lit à peine revêtu d'un léger drap blanc, il était en nage.
Bien qu'il soit désormais devenu un adulte accompli, pour la première fois depuis ses cauchemars d'enfance,
il était incapable de s'expliquer pourquoi il avait vraiment eu peur.
C'était comme si un étrange pressentiment de ce qui allait arriver lui avait été annoncé brutalement par un oracle onirique.
Une goutte de sueur froide lui coulait lentement du front, mouillait son œil droit, pour tomber délicatement de sa joue.
La petite télévision accrochée sur le mur gris pâle, était restée allumée toute la nuit. Il y passait une chanson un peu rétro
(quelque chose de ce genre :
https://www.youtube.com/watch?v=W6FERliyYtM).
Par la fenêtre de la chambre d'hôtel, les volets entrouverts laissaient passer les zébrures de la Lune, ronde comme l'énorme globe oculaire sans iris ni pupille d'un œil sans âme.
Le calme de la ville endormie fût brisé net par une bagarre entre deux chats de gouttière, juste avant de retomber dans le silence morbide de ses petites villes de province sans histoire. Il ne comprenait pas comment un tel rêve pouvait avoir un sens. Ou peut-être, après tout, qu'il n'en avait pas.
"Pur produit de mon imagination... C'est moi qui me fais des idées, et voilà tout."
Il se tourna d'un côté du lit. Puis de l'autre. Il essayait de se rassurer mais, perdu dans d'anxieuses pensées, il ne parvenait pas à retrouver le sommeil.
Sur la table du bureau en bois, à l'autre bout de sa chambre, il y avait une enveloppe contenant une lettre : celle de son ami.
La dernière chose qu'il lui avait confiée avant de disparaître mystérieusement.
Alors, à cet instant, se déroula lentement dans ses pensées le fil du passé, et Aristide repensa à ce qui était arrivé il y a trois jours.
~**~
C'était par une belle après-midi ensoleillée.
Après un simple coup de téléphone, il lui avait donné rendez-vous dans cette bourgade pour bavarder un peu.
Elle n'avait d'ailleurs rien de bien spécial mais ils avaient projeté d'y rester quelques jours, profitant de leurs vacances,
loin de l'agitation des grandes villes. Ils prenaient tranquillement un café en terrasse.
Et puis, sans lui donner davantage d'explication, son regard s'était subitement assombri d'une manière inquiétante.
Il lui dit alors, d'un air si sérieux qu'il en fût tout d'abord effrayé, "Ne me demande ni 'le pourquoi' ni 'le comment' ni 'le où'.
Promets-moi seulement que tu ne feras rien pour m'en empêcher."
- "Mais enfin, de quoi parles-tu ?" lui demanda Aristide, surpris.
- "Je ne peux t'en dire plus, vraiment. Mais je te fais la promesse que quand tout cela sera fini,
nous nous reverrons et nous rirons ensemble de ce qui te paraîtra une frasque d'étudiant, et rien de plus.
Oui, dit-il dans un sourire triste, si triste... Nous en rirons ensemble !"
Il eut un petit rire nerveux.
"Promets, seulement. Au nom de notre amitié."
- "Evidemment, mais qu'est-ce que tu racontes ? Tu sais bien que tu peux toujours compter sur moi...
Mais où veux-tu en venir à la fin ? Et puis, de quoi pourrais-je bien t'empêcher ?"
A ce moment, il l'avait regardé avec autant d'étonnement que d'inquiétude.
Il craignait pour la santé mentale de celui qu'il avait toujours connu maître de lui, même dans les moments les plus difficiles.
Ca ne lui ressemblait pas : il avait l'impression de parler à un autre.
"Je dois aller à une expédition. Dans un endroit très lointain. Je pars pour plusieurs jours."
Il voulait lui demander davantage d'explications mais au moment où il avait approché sa main pour le retenir, il lui tendit une enveloppe contenant une lettre.
"Ne l'ouvre sous aucun prétexte, tu comprends ? Aucun.
Si je ne suis pas revenu d'ici trois jours.... Alors, lis-la. Mais uniquement à cette condition. Ai-je été assez clair ?"
Pour la première fois, dans ses yeux, il avait lu l'anxiété d'un homme au bord du gouffre,
de quelqu'un qui mettait en jeu sa propre vie par une décision qui ne lui laissait aucune alternative.
Il lui sourit simplement, et répondit par l'affirmative; bien qu'il ne saisissait en rien les termes de ce 'contrat' imposé par l'homme en qui il avait toujours eu confiance.
Il avait pris le premier train, sans se retourner, comme s'il savait d'avance que c'était la dernière fois qu'ils se reverraient.
Aristide avait, quant à lui, décidé de louer plusieurs nuits dans cet hôtel qui lui avait fait plutôt bonne impression dès qu'il l'avait vu :
il ne bougerait pas avant d'avoir eu de ses nouvelles.
A présent, si tard dans la nuit, l'ironique écran cathodique continuait sur un autre air
(ceci :
https://www.youtube.com/watch?v=p9ELYMhJZlI).
Et finalement, la lettre était restée là, sur le bureau où il l'avait posée machinalement, persuadé qu'il le reverrait avant la date fatidique.
Cela faisait maintenant trois jours que Celimbrimbor n'avait donné aucun signe de vie.
~***~
La lettre ... Que pouvait-elle contenir ?
Comme si elle était animée d'une vie surnaturelle, elle semblait le regarder, elle l'attirait avec ce pouvoir qu'ont parfois les objets quand ils sont possédés par les âmes des morts.
Mais il voulait écarter l'éventualité d'une telle extrémité dans des conditions si mystérieuses.
"Non, se disait-il, impossible de l'envisager." Et puis ce rêve, si angoissant, c'était trop. Il voulait savoir, il devait savoir.
Il alluma la lampe de chevet qui éclaira sa sombre chambre d'une petite lumière blafarde, pendant qu'une énorme tégénaire domestique, effrayante mais parfaitement inoffensive, d'un fil ténu, descendait lentement le long du lustre, dérangée dans sa léthargie. L'ombre d'un arachnide monstrueux aux proportions gigantesques dansait sur le mur.
Il se leva, prît la lettre mystérieuse dont l'aspect si simple évoquait cette nouvelle d'Edgar Poe mettant en scène l'enquêteur hors-pair Auguste Dupin.
A la pâle lueur de la lampe, tremblant légèrement, les mains moites, il essaya de se concentrer.
Enfin, il se décida à lire le plus lentement possible, appuyant sur chaque mot, pour essayer d'en saisir le sens profond, éventuellement un sens caché.
Si tu lis cette lettre c'est qu'il est désormais trop tard.
Ne me condamne pas. Ne me juge pas de ce que j'ai fait.
Car rien ni personne ne pourra plus sauver mon âme de l'Enfer dans lequel je l'ai précipitée.
Je sais que tu es resté à m'attendre. Lui aussi, il est là.
Il habite dans cette petite ville ignoré de tous et à l'abri de la célébrité.
Va le voir, lui seul pourra apporter la réponse à tes questions.
Rends-toi vers sept heures du soir à l'Auberge "Aux Trois Succubes", c'est là qu'il prend tous les jours un café avant son repas.
Tu demanderas le plus discrètement possible au tenancier de t'indiquer,
un certain D.Abasourdi, comme s'il l'avait entendu de sa bouche même, il ne pouvait cependant parvenir à croire un traître mot de ce qu'il venait de lire. Jamais, ô grand jamais, il n'aurait écrit une chose pareille, sur ce ton si désespéré, comme si une tragédie venait de s'accomplir ou pis encore, comme s'il avait accompli un crime qui le condamnait à tout jamais à se tenir à l'écart du reste de l'humanité.
Ne comprenant pas, ne comprenant plus rien, il frappa du poing sa table de chevet, manquant de peu de la briser.
C'est alors qu'il reprît ses esprits, et se posa très nettement deux questions, le plus raisonnablement qu'il lui était possible de le faire en pareille situation :
où était Celimbrimbor et surtout, qui était ce D. ?
~****~
Il avait réfléchit toute la nuit et jusqu'au petit matin. Il se leva, prit une douche, puis enfila rapidement ses vêtements
(pendant que la télé lui chantait :
https://www.youtube.com/watch?v=caxGz3cs7-Y&start_radio=1&list=RDcaxGz3cs7-Y).
Il pensait à sa femme, à tous ceux qui avaient compté pour lui, mais il restait plongé dans une perplexité à laquelle il n'était décidemment pas habitué. En sortant de sa chambre, il referma violemment la porte mais la valise était restée coincée sur le seuil.
Alors, de toutes ses forces et énervé comme jamais, pendant qu'il tirait sur sa valise, il la fît tourner sur elle-même à 180° et là, heurta de plein fouet une jeune fille dans le grand couloir de l'hôtel! Des feuilles de cours A4 à grands carreaux volèrent de tous les côtés.
La fille tomba en arrière; mais plus préoccupée par ses notes que pour elle-même, elle se remît aussitôt sur ses genoux pour essayer de les rassembler précipitamment.
Embarrassé, le jeune homme voulut d'abord s'excuser mais, au lieu de ça, se surprît lui-même à éclater de rire. C'est seulement maintenant qu'il commençait à relâcher la pression accumulée ...
Qu'on juge plutôt de la situation : avec ses faux airs d'étudiante sur le tard, elle portait des lunettes rondes trop grosses pour son visage fin et un long caban rouge. De vagues yeux bleus-verts rivés sur le sol (avez-vous remarqué que les yeux des myopes sont toujours perdus dans le vague ?) à peine dissimulés par des cheveux châtains mi-longs,
elle semblait extrêmement soucieuse de ne rien perdre de ses cours et ne prêtait pas la moindre attention à celui qui l'avait un peu hardiment fait tomber. En se baissant pour se mettre à sa hauteur, celui-ci murmura dans un imperceptible bruissement de douces paroles : "Veuillez m'excuser, je suis un peu... Comment dire, moi aussi, je suis un peu 'bousculé' ces derniers temps... Vous ne m'en voulez pas, j'espère ?" D'un peu plus près, il pouvait voir qu'elle avait le teint pâle que donne toutes ces années d'études passées dans les bibliothèques, les médiathèques, sa chambre d'étudiante... Sans voir la lumière du jour : sans doute ne devait elle pas beaucoup sortir. Concentrée sur ses notes, l'air un peu renfrogné, elle l'ignora carrément et ne lui répondit même pas. Alors, gêné, mais sans doute aussi un peu vexé qu'on l'ignore, il prit une feuille, en fit un avion en papier, et lui balança : "Vous avez l'air d'être pressée : vous prenez l'avion ? Dépêchez-vous, parce qu'il va bientôt décoller... Prochaine escale : les bancs de la fac !" et aussitôt de faire s'envoler son joli petit avion de papier. "Hé !", la fille se releva brusquement, et courut gauchement après l'avion, se jetant à coeur perdu dans les ténèbres d'un couloir sans fin.
A la voir s'enfuir si désespérément, il se surprit à lui trouver une dernière grâce tragique.
Mais comme pour chasser de lui cet obscur sentiment, il rit de bon cœur; et, saisissant sa valise, descendit rapidement du premier étage, prît machinalement son petit-déjeuner les yeux encore brumeux et régla la note au maître d'hôtel. Enfin, il sortit, et respira à pleins poumons l'air frais du petit matin.
La forêt lui tendait ses bras : il regarda brièvement sa montre, puis se décida d'aller y faire un tour.
~*****~
Aristide n'avait pas vu le temps passé... Il était déjà six heures.
Aussi se rendît-il directement au lieu indiqué par son ami, dont l'adresse était affichée sur un plan qu'il avait pris à l'hôtel.
"Enfin, nous y voici... "Aux Trois Succubes" ... Quel nom bizarre pour un endroit censé être convivial", se dit notre héros pendant qu'il lisait l'enseigne. A peine entré qu'il fût étonnamment surpris de l'atmosphère chaleureuse, presque familiale de la petite auberge.
"Bonjour, dit un jeune homme élégant derrière un comptoir sombre, en train d'essuyer d' énormes chopes de porcelaine, que puis-je pour le service de Monsieur ?"
"Bonjour... Oh trois fois rien, répondit notre inspecteur en herbe, je voudrais seulement me poser au comptoir, en attendant quelqu'un..."
"Bien entendu, nous commençons à servir les repas à partir de 19 heures. Aussi, je ne saurais que me permettre de vous conseiller notre excellente bière maison, elle est d'enfer", répondit le sommelier habillé comme un garçon de café du 19ème siècle. De plus près, Aristide pouvait noter un air vraiment médiéval à ces lieux :
l'éclairage se faisait avec des torches aux murs et des chandelles étaient disposées sur la vingtaine de tables qu'occupaient la grande salle à manger.
Au fond de la salle, un énorme chaudron de fonte était suspendu dans une cheminée encastrée dans le mur. Au-dessus, il y avait deux épées qui se croisaient.
Dans l'angle, on pouvait aussi apercevoir des barriques de vin empilées. Toutes les tables étaient légèrement trop basses et en bois massif.
"A la vôtre !", dit le dandy. "Merci !", répondit le touriste.
La bière était en effet d'enfer : pour mieux dire, elle se rapprochait bien davantage des bières artisanales des brasseries belges que des bières d'Alsace. C'était une blonde peu mousseuse, mais très forte (10°), et le garçon de café avait directement servi Aristide (comprenant en un coup d'oeil à qui il avait affaire) dans une chope de porcelaine d'un demi-litre. Surpris, mais pas décontenancé pour autant, Aristide se souvenait des conseils de son ami, et en profita pour interroger le jeune serveur.
"Hé bien, vous n'y allez pas de main morte, votre bière est forte mais excellente.
J'attends quelqu'un... Quelqu'un de connu mais qui tient à ne pas se faire connaître... Vous comprenez sûrement de qui je veux parler (Aristide fit un clin d'œil complice)... C'est un habitué de la maison, il vient tous les soirs vers 19 heures..."
"Je ne vois absolument pas de qui vous voulez parler.", répondit sèchement, et avec un petit air pincé, le serveur qui esquissa malicieusement un sourire en coin.
Aristide comprît aussitôt qu'il ne tirerait aucune information de cet homme rusé sans lui donner quelque chose en retour.
"Bien sûr, je comprends. Je comprends parfaitement", fît-il d'un air faussement désabusé. Et, comme si de rien n'était, changea carrément de conversation. "Je reviens de la forêt, juste à côté, elle est immense, vraiment.
Elle m'a rappelé une histoire que me racontait souvent mon grand-père... Une vieille légende."
Intrigué, l'homme posa son chiffon et une des chopes qu'il lavait à la main.
"Vraiment ? Et de quelle légende s'agit-il ?"
Dans le fond de l'auberge, venue d'on ne sait quel instrument inconnu,
on commençait à jouer une étrange mélodie
(ambiance :
https://www.youtube.com/watch?v=IAsW2CRtIuY).
Enfin, il avait réussi à capter son attention.
Alors Aristide lui raconta cette vieille fable, que son grand-père lui avait raconté quand il était encore tout jeune,
et dont l'origine se perd dans la nuit des âges.
~******~
Il était une fois deux enfants qui jouaient chacun de leur côté dans un petit pré entouré d'une immense forêt.
L'un d'eux portait sur son épaule une énorme arbalète en bois, fabriquée de manière artisanale, mais totalement disproportionnée par rapport à sa petite taille : tant et si bien qu'à côté de lui, elle faisait plutôt l'effet d'être une balliste !
Cependant, d'une seule main, il la soulevait sans aucun effort. Il s'assit sur une roche enfoncée dans la terre, et, posant l'arme à côté de lui, s'exclama : "Je décide à cette heure de ne plus me battre ! J'ai déjà tué tant de monstres, tant de dragons, de chimères fantastiques... je suis tellement fort, j'ai tout accompli... Non, vraiment, je n'ai plus besoin de me battre." Et il se mît à soupirer, la tête appuyée dans sa main.
L'autre enfant, qui écoutait au loin, s'approcha de lui, et, tout en admirant l'arme titanesque, se prît d'affection pour le jeune garçon. Il essaya de le consoler : "C'est vrai, tu as bien raison, lui dit-il avec un petit air de défi, que n'as-tu déjà accompli ?
Tu as l'air si fort ! Allons, viens avec moi, et ensemble, nous trouverons bien un nouveau jeu pour t'amuser !"
Et il se mît à rire de bon cœur.
L'autre, à ses paroles, releva la tête, retrouva l'espoir, son visage s'éclaircit : il était déjà passé de la mélancolie à la gaieté !
Ils décidèrent de marcher jusqu'à la forêt.
Tout en regardant autour d'eux, les enfants s'aperçurent qu'il y avait une personne assise dans le pré.
"C'est étrange, tout à l'heure, il n'y avait pourtant personne", se dit l'un des deux garçons.
On aurait dit une très vieille femme entièrement recouverte d'un capuchon de moine verdâtre.
On ne pouvait distinguer ni son visage, ni ses mains. Elle restait là, étonnamment silencieuse, et immobile comme si elle était endormie. Quelque chose interpella cependant le garçon : à côté de la vieille dame, il y avait exactement la même arme en bois que son compagnon. Et, à y regarder de plus près et attentivement, on pouvait mettre les deux armes l'une à côté de l'autre, et les emboîter parfaitement comme si elles étaient complémentaires...
Bien qu'à la réflexion, le résultat donnait quelque chose de complétement inutile.
Soudain, le plus éveillé des deux enfants ouvra grand les yeux : il venait de comprendre quelque chose !
Il se tourne vers son ami, il insiste pour qu'il vienne avec lui :
"Accompagne-moi jusqu'à la maison, lui dit-il, je veux te montrer quelque chose d'incroyable, tu vas voir...
Il faut seulement traverser la forêt, on y sera bientôt. Mais laisse ton arme ici, tu n'en auras pas besoin."
"D'accord", répond l'autre, visiblement satisfait d'une nouvelle distraction.
Et les deux enfant de se mettre en chemin à travers la grande forêt.
A chaque fois, le garçon qui avait demandé que l'autre l'accompagne, plus vif d'esprit que son compagnon, lui demande de faire quelque chose de difficile, comme pour l'éprouver et voir s'il est si fort qu'il le prétendait tout à l'heure.
Et, en effet, avec naïveté mais bonne volonté, le jeune costaud se révèle être un vrai Hercule : il grimpe à tous les arbres que lui montre son ami, même les plus hauts, pour y regarder les oiseaux qui font leurs nids;
soulève d'énormes roches de tailles inhumaines;
et il n'est même pas fatigué après des heures et des heures de marche !
Sans même s'en apercevoir, ils avaient tant marché que la forêt toucha bientôt à sa fin :
on pouvait voir le jour poindre de l'autre côté du chemin. "Faisons une pause",
dit le petit malin à son ami, tout en s'asseyant sur une pierre à l'orée du bois. Et il se mît soudain à pouffer de rire.
"Qu'y a-t-il de si drôle ?", lui demanda l'autre, surpris et ne comprenant pas la situation.
"Il y a que je t'ai bien eu, mon ami... Mon frère", lui répondit son compagnon en souriant.
Et, tout en riant aux éclats, il lui révéla son tour.
Ils avaient en réalité marché des jours entiers, des années, des siècles... Dans cette forêt enchantée et maudite dont la légende raconte que nul n'avait jamais réussi à s'échapper :
on n'avait jamais retrouvé ceux qui avaient eu la témérité de s'y aventurer.
C'est qu'ils avaient rencontré la Mort en personne dans le Pré de la Mélancolie, et qu'ils l'avaient finalement battu,
par une belle vie remplie d'aventures et d'exploits.
Une vie comme seuls pouvaient la vivre deux enfants, ces deux frères que l'on appelle Le Corps et l'Esprit.
~*******~
"Elle était pas mal votre histoire", dit le serveur en souriant.
Puis, il reprît sa besogne habituelle comme si de rien n'était.
"N'est-ce pas ?", dit Aristide, satisfait mais soucieux d'obtenir du rusé personnage l'information tant espérée.
Il ne le quittait pas de yeux, attendant l'instant propice où il se dévoilerait pour lui révéler comment reconnaître l'homme tant recherché.
"D'ailleurs, poursuivit l'hôte, je crois que votre homme vient d'arriver."
Tout à coup, on poussa la porte d'entrée.
Aristide regarda l'énorme horloge de la brasserie : il était précisément sept heures du soir.
Celimbrimbor avait donc dit vrai.
Tout en se retournant, il pensa : "
Ecce Homo !"
Fin de l'épisode 1
Takatsuki Sen.
Merci de m'avoir lu. ^^
Toutes ressemblances avec des personnages existants n'est ni fortuite ni involontaire.
.
.
.
[Epilogue]
Dans ce qui avait été un immense amphithéâtre d'une prestigieuse Faculté de Médecine, les restes d'un attentat.
Des dizaines et des dizaines d'étudiants, de professeurs, tous massacrés, empilés en une immonde montagne de cadavres.
Un silence de mort.
Soudain, d'imperceptibles mouvements commencent à poindre d'un des monticules d'individus.
Entre deux rangées de tables fracassées, la main d'un homme se dresse victorieusement...
Pour se refermer avec rage sur une feuille de cours, pliée en avion de papier, qui volait tout en douceur, pour retomber avec une ironique délicatesse, contrastant avec l'incroyable violence de l'évènement.
Qui était cet homme ? Que faisait-il ici ?
Bien qu'il avait lu le
Protocole des Sages avec un intérêt certain, devait-on nécessairement en déduire qu'il était responsable de cet holocauste ?
Ou bien en avait-il été la victime, parmi tant d'autres, et désormais un survivant, un de ces héros inconnus ?
Il se releva lentement.
Sa main s'ouvrit pour laisser voir ce que contenait la feuille sur laquelle avait été esquissé un bien étrange dessin en la circonstance
(
http://image.noelshack.com/fichiers/201 ... ubes01.jpg).
Un éclair rouge s'alluma dans ses yeux.
Il se dirigeait vers l'Auberge "Aux Trois Succubes".