https://www.youtube.com/watch?v=4ZJ1vg_MCPgRécréations.~ Les oeuvres d'art actuelles, principalement les livres, les films, et les musiques,
sont aujourd'hui le plus puissant moyen d'éducation de la jeunesse (qui sait encore pour combien de temps).
Pourquoi ne pas faire l'essai de peindre quelques nuances, parmi les plus saillantes des dernières années,
que des auteurs célèbres offrent à l'imagination des jeunes gens qui cherchent à se connaître, à travers leurs oeuvres ?
Ces document serviront d'auxiliaires à notre imagination, il nous restera encore à s'immiscer dans l'âme des personnages de fiction étudiés.
Tout le travail évocatoire étant nécessairement subordonné à une sensibilité propre,
on ne s'étonnera pas que ces lignes ressusciteront essentiellement des analystes, des intelligences qui cherchent à se comprendre,
des observateurs détachés, des pionniers dans les découvertes de tout type.
~*~
"Nos pères étaient nos images de Dieu. Si nos pères nous ont abandonnés, qu'est-ce que tu en déduis à propos de Dieu ?
Tu dois admettre que Dieu ne t'aimes pas du tout. On est les enfants non désirés de Dieu, très bien !
Je rejette tous les présupposés de la civilisation et spécialement l'importance des possessions matérielles.
J'avais trouvé la liberté. Perdre tout espoir, c'était ça la liberté.
On est les enfants oubliés de l'histoire mes amis. On n'a pas de but ni de vraie place.
On n'a pas de grandes guerres, pas de grandes dépressions. Notre grande guerre est spirituelle, notre grande dépression c'est nos vies.
Cette histoire de développement durable, c'est de la connerie, on est déjà foutu;
c'est comme si on exigeait d'un cancéreux en phase terminale d'arrêter de fumer sur son lit de mort.
S'améliorer soi-même c'est de la masturbation. C'est se détruire soi-même.
Vous n'êtes pas votre travail, vous n'êtes pas votre compte en banque, vous n'êtes pas votre voiture, vous n'êtes pas votre portefeuille ni votre putain de treillis.
Vous n'êtes pas exceptionnels. Vous n'êtes pas des flocons de neige uniques et merveilleux.
Vous êtes la merde de ce monde prête à servir à tout."
Vous avez sûrement deviné le film culte auquel je fais allusion.
Si tant est que l'on pouvait penser ainsi étant jeunes, que l'on pouvait croire ainsi, le pouvons-nous encore ?
Qui a tué Tyler Durden ? Est-ce le révolutionnaire dans le narrateur, comme cela a été démontré dans le film ?
Ou bien est-ce le bourgeois ? Ou peut-être est-ce le "gratteur" ?
Ou bien faut-il seulement entendre ici que de nos passions naissent nos opinions ?
Sans doute moins un idéal à atteindre que l'expression de la mort de l'adolescence, le passage à l'ère adulte,
le dernier regard en arrière de l'étudiant sur le cadre du tertiaire qu'il est devenu.
"I tried to improve on the limits in myself. To improve on nature, my nature.
Knowledge of oneself. It's the only path to the truth...
That gives men the power to go beyond God's boundaries.
You're nothing but a superficial shell... A husk of flimsy consciousness... Ready to be torn off at a moment's notice.
Think about all those men out there in their uniforms... Barking and swallowing orders, inflicting their petty rule over the entire globe!
Think of all the harm they've done! To you! To me! To the humanity!
And knows this, that we can make them and their flags and their anthems and their governments... Disappear in a flash!"
En 2003, le Dr David Banner du Hulk de Ang Lee tenait à peu près le même discours que le Tyler Durden de David Fincher (1999).
La même période voyait apparaître le Ghost Dog de Jim jarmush (1999),
où un fantôme, disons mieux, l'état d'esprit du samouraï (honneur, loyauté, perfectionnement),
tel qu'on se l'imaginait en milieu urbain, s'éveillait à l'écoute du hip hop.
A la fin du film, c'est son patron qui, l'espace d'un instant, s'éveille à cet état d'esprit.
Dead Man (1995), réincarnation de William Blake, est l'état d'esprit du poète façon 19ème.
Dans les oeuvres de Jim Jarmusch, le plus musicien des réalisateurs,
ses personnages ne sont pas seulement des dandys, errants, marginaux, affirmés, désoeuvrés, décalés, gâchés... mais des "riffs incarnés".
Oui, ces personnages sont des morceaux de musiques.
Comme ce Johannes Kreisler d'Hoffman, ce musicien idéal,
un peu fou, excentrique, dont l'absence est évoquée plus encore que ses actes, virtuel, qui n'existe qu'à l'état de fragments ou de souvenirs.
Comme cet Erich Zann de Lovecraft (1922), sans lequel, sans sa musique, la vie est une horreur,
euphorie de la musique de la fin du monde que seul entend un pauvre étudiant en métaphysique à l'existence précaire,
passage vers l'indicible, révélation de ce qui est au-delà de la raison, comme toujours avec Lovecraft, toujours suggérée et jamais montrée.
C'est exactement de la même façon que je conçois le Desty Nova de Yukito Kishiro (1990-1995), inspiré du Desdinova des Blue Oyster Cult (1988) :
ce côté sombre d'Ido Daisuke (dont l'auteur aurait dû faire un seul et unique personnage),
cet être anachronique, insaisissable, essentiellement ambulant, qui perfectionne plutôt qu'il ne crée, annonciateur de la fin des temps,
ce diable qui apparaît quand on est sur le point de mourir pour marchander, non notre âme, mais notre corps,
nous plaçant face au douloureux problème de notre corps, de la chair,
cette incarnation d'une doctrine neo-psyché dans un univers post-punk,
cet état d'esprit qui s'éveille à la métaphysique quand on la confronte à l'esthétique cyberpunk,
dont je reproduis ici l'intégralité de la seule définition satisfaisante:
La laideur de l'esthétique cyberpunk provient essentiellement de ce que l'on ramène les fonctions organiques à des mécanismes:
la plus grande complexité structurelle est nécessaire à la plus petite simplicité fonctionnelle.
L'énergie vitale est obtenue par des moyens compliqués à mettre en oeuvre, sales, polluants, rouillés, crasseux...
conférant à l'ensemble une impression de lourdeur et de souffrance, de sérieux, de difficile, de grave, d'implacable, de liberté contrainte.
La sensibilité et l'amour sont comprimés, le libre-arbitre inexistant, la nature ne parvient pas à s'exprimer.Même sensation, et même intensifiée, à l'endroit du personnage de Bondrewd, très steampunk, de Made In Abyss d'Akihito Tsukushi (2012),
qui a parfaitement su exploiter le style chibi pour rendre le côté grimdark de son oeuvre encore plus saisissant.
Que symbolise la Solitär de Sousou no frieren de Kanehito Yamada (2020),
résumée brièvement dans les termes d'analyse, observation, excentricité ?
Ce genre de personnage ne donne pas seulement de la profondeur au récit, comme un levier pour l'auteure,
la complexité et les possibilités de son univers post-fantasy prenant tout son attrait à travers elle, ou une clé,
exploitant le même process qu'un personnage fade comme le Dr Who, mais qui rend, par son questionnement, l'univers dans lequel il se trouve, intéressant,
Le sentiment de ne pas être à sa place est ici transcendé par une recherche inextinguible de connaissance.
~**~
La naïveté populaire veut, qu'en parcourant le monde, on modifie la perception que l'on a de soi-même,
qu'on en apprend sur soi, que l'on se retrouve, tout en étant davantage en harmonie avec les autres.
La vérité c'est que plus on en apprend sur soi, plus on modifie la perception que l'on se fait des autres,
sans pour autant avoir l'impression d'avoir beaucoup changé soi-même.
La tradition a toujours été la terre ferme d'où l'on jugeait de la hauteur des vagues et d'où l'on s'épargnait le mal de mer.
"Mal de mer" étant entendu ici comme un nouvel infini de sentiments.
A supposer que le super-vilain ne soit pas seulement l'ennemi du genre humain,
certes, ils ne seraient pas des super-vilains s'ils ne possédaient des caractéristiques que la société réprouve,
à supposer qu'ils ne soient pas seulement l'exutoire sur lequel se déverse la frustration sociale,
ils demeurent exemplaires en ce qu'ils enseignent que l'acte, la pensée, fût-ce d'un instant, transcende l'existence la plus misérable.
Je pense à des personnages comme Faust, Frankenstein, Jekyll, Dr Doom, Desty Nova, Psykos, Dr Destiny, Kabuto Yakushi, Bondrewd.
Même dans le cas problématique de Saki Yoshida (Emergence, 2013-2016), que je n'exclue pas, par principe,
parvenue à la connaissance tragique (et par conséquent en a donné un aperçu à son lectorat), même si elle ne lui a pas survécu.
Tous, autant qu'ils sont, incarnant le problème de la performance, du potentiel à réaliser, de l'intention métaphysique, de la transcendance.
Tous, autant qu'ils sont, l'élite intellectuelle de leurs univers respectifs, des scientifiques qui ne croient en rien,
et finissant par s'écrouler lamentablement dans le besoin de la rédemption...
~***~
Nouveau principe d'esthétique.
La transcendance, dans un sens extra-moral, indépendamment des moeurs, n'est pas un idéal à atteindre par une conduite sagement réglée :
c'est un canal de transmission vers soi-même, accessible à chaque instant, pourvu que nous soyons possédés par l'émotion qui émane de l'oeuvre d'art.
Alors, seulement, nous devenons des avatars.
S'il subsiste encore une morale, s'il en est une, c'est uniquement à titre de facilitation de cet état de possession.
Ce qui nous assure de la vérité de nos opinions et de notre victoire certaine sur tous les autres courants de pensée,
est qu'immanquablement d'un égoïsme supérieur doit surgir une réinterprétation de l'histoire universelle.
Parce que nous nions l'humain au nom du surhumain, nous récusons toute association avec les états d'esprit qu'il engendre.
Nous nions ce que d'aucuns appellent "identité" au nom de l'identification.
Quand cette identification est de la plus haute perfection, nous appelons le moyen pour y parvenir "une œuvre d'art".
Et nous respectons d'autant plus les productions intellectuelles qu'elles sont éloignées des conditions qui les ont fait naître.
Nous croyons en un état d'esprit au-delà de toute éthique.
Nous sacrifions tout à la connaissance de cet état d'esprit.
Nous subsumons la signification que nous faisons de notre vie à l'entretenir.
Nous entraînons tout à sa suite.